Page 16 - Bulletin municipal 2016
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Le mot du curé Curieuse époque que la nôtre !
Notre pays, comme d'autres régions du monde, a été frappé par de
tragiques événements, par le terrorisme islamiste qui a fait des centaines
de victimes qui ne se doutaient de rien. Les déclarations des politiques, «
nous sommes en guerre », ne sont pas d'ordre à rassurer, d'autant moins
que la réaction de la force publique n'est pas très lisible et ne semble pas
en cohérence avec la gravité des propos tenus.
L'économie stagne, le chômage ne baisse pas. Si certains arrivent,
en dépit de la situation et peut-être grâce à elle, à tirer les marrons du
feu, un nombre incalculable de personnes et de familles sombrent dans la
pauvreté et la précarité. La situation est connue, étudiée. Régulièrement
elle alimente le spectacle médiatique, mais tout le monde sait que rien au
fond ne va changer. Les « sans-dents » déclassés, résignés, découragés,
abandonnés n'ont plus la force de mordre ... pour le moment.
Cet été aussi, comme indifférent à toute cette misère, comme si la violence réelle évoquée
ci-dessus se déroulait sur une autre planète, des hordes de jeunes et de moins jeunes, chassaient
avec frénésie le pokémon. Enfermés dans leur bulle, le nez collé sur le smartphone, fascinés par le
jeu, attraper une de ces bestioles virtuelles semblait avoir plus d'importance pour eux que la
marche réelle du monde. Le jeu à « réalité augmentée » serait- il le nouvel opium du peuple ? On avait
là la parfaite expression de l'individualisme, du nombrilisme et de l'atomisation de nos sociétés
occidentales. Tous ces joueurs pouvaient bien avoir l'impression de faire partie d'une grande
communauté, ils n'en étaient pas moins seuls face à leur joujou électronique.
« Suis-je le gardien de mon frère ? » La question est aussi vieille que le monde mais le
délitement du lien social a pris de telles proportions que certains sociologues n'hésitent plus à dire
qu'il est devenu un trait caractéristique du monde moderne. Aucune incantation n'arrêtera cette
érosion. Il nous faut réfléchir à frais nouveau et avec courage à refonder une société du don et de
l'entraide contre toutes les logiques de prédation. Marcel Mauss, un des pères fondateurs de
l'anthropologie, définissait ainsi le cycle du don qui fonde toute société décente : « donner,
recevoir, rendre ». Or, nous voyons grandir sous nos yeux le mauvais esprit qui, selon Beaumarchais
au XVIIIème siècle, caractérisait la Cour finissante : « prendre, recevoir, demander ». Un monde où
se perd le sens de la responsabilité et de la réciprocité n'a pas grand avenir.
Mi-septembre, la chaîne Arte a diffusé un documentaire fort intéressant et instructif sur le
Confucianisme en Chine. Cette philosophie a tellement imprégné et façonné la mentalité chinoise que
même la tentative du régime communiste de l'éradiquer a échoué. Aujourd'hui il connaît une
véritable renaissance et les autorités le voient même favorablement, ayant reconnu ses bienfaits.
Cette philosophie codifie les liens sociaux et les rapports entre les générations. Elle donne un
sentiment fort d’appartenance à un groupe dans lequel chacun a sa place. Selon certains, ce pourrait
être un des ingrédients de la réussite économique chinoise. Il ne s'agit pas pour nous d'importer un
« made in china » de plus, mais de regarder notre propre culture et notre riche histoire. Le
christianisme, n'en déplaise à certains, a façonné notre Occident. Il a révélé la grandeur et le
mystère de chaque personne humaine : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Le redécouvrir,
et surtout le mettre en œuvre, mettre la personne humaine au centre en politique, en économie, dans
les rapports inter-personnels, ne pourrait que changer la donne dans le bon sens, sinon être l'unique
voie de salut possible. Sans justice pas de paix possible, et la réalisation parfaite de la justice, la
justesse des rapports, c'est l'amour. A essayer tout de suite et sans modération.
Bonne année à tous et à chacun.
Le curé, Jean-Marie Reichardt.